Le marketing exploite depuis longtemps les biais cognitifs pour augmenter l'impact de ses actions. Parmi ces biais, le Fear of Missing Out (FOMO) est l'un des plus communs.
Image générée via Dall-E
Le Fear Of Missing Out (FOMO) est la peur de rater une opportunité ou une expérience.
C'est d'abord une prédisposition de la psychologie humaine. L'Homme est conscient de sa mortalité. Ce qui le pousse à profiter au maximum de sa vie et des opportunités s'offrant à lui.
Ensuite, le FOMO est une illustration de l'adaptation hédonique. Selon cette thèse, les individus s'habituent rapidement à toute chose (positive ou négative).
Ainsi, après un bref moment d'excitation, l'achat du dernier smartphone à la mode ne procure pas de bonheur durable. Dans quelques mois, l'envie d'acquérir le nouveau modèle se fera sentir...
L'avènement du Web a exacerbé l'effet du FOMO. En plus des entreprises qui renouvellent leurs gammes de produits à un rythme soutenu, les utilisateurs et influenceurs exposent sur les réseaux sociaux leurs acquisitions, réussites, etc.
Aujourd'hui, il est très difficile de s'extraire de cette masse d'incitations et d'opportunités.
Pour mieux appréhender le FOMO, il est important de comprendre le rôle du facteur "urgence".
Selon le contexte, les utilisateurs peuvent être amenés à agir plus rapidement pour faire un achat ou réaliser une action.
Notez qu'on peut distinguer deux types d'urgence :
Des techniques telles que le framework LIFT s'appuie sur ce type d'urgence.
Cette urgence "artificielle" est fréquemment utilisée de façon abusive. Car elle exploite le fameux biais cognitif du Fear of Missing Out.
Et cela peut avoir des conséquences négatives à plusieurs niveaux.
Certains vont se poser la question "En quoi le FOMO est-il négatif ?".
Après tout, si un individu ne veut pas rater une opportunité, c'est tout à fait son droit d'acheter autant de produits et de services qu'il souhaite.
Ben sûr. C'est la liberté de chacun.
Mais c'est aussi la responsabilité de chacun de comprendre les effets de sa surconsommation.
Impact écologique
Ayant pour conséquence une course effrénée à la consommation, le FOMO ne peut qu'être nuisible à l'environnement. A fortiori s'il s'agit de produits polluants ou non recyclables.
Combien de fois avez-vous cédé à la tentation d'acheter un produit sans utilité réelle ? Des achats d'impulsion qui augmentent le chiffre d'affaires des entreprises à court terme, mais qui alourdissent le fardeau climatique à long terme.
L'effet peut aussi être indirect. Par exemple, les promotions agressives présentées pendant le Black Friday augmentent significativement l'activité des transporteurs.
Cette circulation engendre à son tour une pollution supplémentaire, surtout avec le mode de livraison "express".
Impact psychologique
Le FOMO a un autre effet pervers : une insatisfaction chronique qu'il est impossible de combler par définition. Il en résulte un sentiment d'incomplétude, voire d'infériorité face aux autres.
Il y aura toujours une meilleure voiture, un tarif plus intéressant, etc.
Le FOMO est une quête incessante et épuisante à long terme pour le psychisme.
Impact sociétal
À l'échelle de la société, le FOMO accentue les inégalités. En amenant les individus à consommer toujours plus, il incite à un comportement individualiste.
Cela engendre une concentration des biens matériels au profit des personnes qui ont le plus de moyens financiers pour les acquérir. Et comme ces derniers seront constamment insatisfaits, ils voudront en acheter d'autres... Le cercle vicieux est ainsi instauré.
Mais les ménages modestes sont aussi concernés par le FOMO. Avec un budget plus serré, ces consommateurs sont à l'affût de toutes les "bonnes affaires".
Et paradoxalement, cela les amène à surconsommer en achetant plus que nécessaire pour leurs besoins.
Il en résulte notamment un gaspillage alimentaire difficile à juguler.
Impact sanitaire
Cet aspect est prégnant dans l'industrie agroalimentaire.
En exploitant le FOMO sur des produits très sucrés ou salés, cette industrie a une responsabilité dans la propagation de maladies comme l'obésité ou le diabète.
Le cas du sucre raffiné est particulièrement préoccupant. En plus des confiseries et autres produits sucrés de base, des formes de sucre sont ajoutées à beaucoup de plats et produits de grande consommation. Ce qui engendre forcément une surconsommation, voire une dépendance au sucre.
On comprend mieux pourquoi les messages de prévention ne suffisent pas à faire baisser sensiblement sa consommation.
Parmi les leviers marketing, les facteurs liés à la psychologie sont les plus stables dans le temps.
Par conséquent, les techniques exploitant les biais cognitifs ont toujours une certaine efficacité. Car ils se basent sur une prédisposition interne à l'être humain. C'est plus facile pour les marketeurs de les exploiter.
Il y a une question majeure qui se pose :
Peut-on mettre en avant des valeurs de durabilité et de responsabilité sociétale tout en continuant à pousser à la surconsommation ?
C'est par définition contradictoire.
L'une des explications de cette dichotomie est la raison même d'exister d'une entreprise.
Le paradigme des entreprises est basé sur "Comment augmenter le chiffre d'affaires ?", "Comment augmenter la rentabilité ?".
Ce qui amène forcément à mobiliser les moyens pour aboutir à cette finalité. C'est-à-dire, pousser le client à consommer toujours plus.
En basant la réflexion sur "Pourquoi vendre ce produit ?", "Quel est son impact positif à long terme ?".
Cela mettra la recherche du sens, l'éthique et la durabilité en avant. Et ce, de la conception même du produit à la fidélisation des clients.
Le marketing a un rôle majeur dans l'éducation des consommateurs et la mise en pratique des valeurs. Pour que celles-ci ne s'arrêtent pas à des actions du style "50% du plastique est recyclé".
C'est l'objectif du growth marketing durable qui met en avant l'éthique et la recherche de la durabilité au lieu de contribuer à un modèle de consommation excessif.
Par ailleurs, une part croissante de clients se détourne des "injonctions" à acheter, las des sollicitations tous azimuts. Ils préfèrent se limiter strictement à leurs besoins actuels.
Cela se traduit par une baisse des ventes pendant le fameux Black Friday ou les soldes par exemple.
Certaines initiatives vont plus loin. À l'exemple du "Green Friday".
Le Green Friday se présente comme l'opposé du Black Friday. Son objectif est d'encourager les achats éthiques et écologiques, ainsi que des alternatives comme la réparation et le recyclage.
greenfriday.fr
Pour autant, il ne s'agit pas de remettre en cause les initiatives incitant à la vente.
Les soldes sont utiles notamment pour déstocker des produits, au lieu que ces derniers ne finissent à la décharge...
C'est plutôt un équilibre à trouver entre promotion des ventes et responsabilité sociale.
Image générée via IA
Dans son ouvrage The Joy of Missing Out, Svend Brinkmann propose de remplacer le FOMO par une autre vision. C'est le JOMO (Joy of Missing Out : joie de manquer).
Résister aux sirènes de la surconsommation en adoptant une démarche de modération. L'auteur s'appuie particulièrement sur des principes du stoïcisme, comme la visualisation négative.
Méditer régulièrement sur ce que l'on possède et en imaginant sa perte. C'est une des clés pour se sentir serein et s'éloigner des nombres tentations.
Ce discours risque de faire bondir certains marketeurs... Mais si le marketing se veut réellement au service des consommateurs, ce propos est tout à fait logique !
Car amener le client à surconsommer n'est ni bon pour lui, ni bon pour la planète.
Le marketing responsable doit valoriser cette démarche de modération et utiliser une stratégie de croissance durable.
Cela se traduit par la recherche d'un engagement durable des clients dans le temps.
C'est ce qui permettra en définitive d'améliorer l'image de marque et rétablir un climat de confiance envers les entreprises. Et ce, grâce à un alignement entre les valeurs prônées et les actions sur le terrain.