Dans le paysage actuel du marketing, où l'urgence de répondre aux défis environnementaux et sociaux se fait de plus en plus pressante, l'approche traditionnelle de l'acquisition révèle ses limites.
Dans le cadre du modèle S-AARRR, l’acquisition est ainsi qualifiée de durable, ou « sustainable acquisition ».
Cette approche peut, en apparence, être perçue comme « conceptuelle ». Mais en réalité, il y a plusieurs initiatives et outils qui rendent cette vision tangible.
Avant d’aborder ces aspects pratiques, pourquoi cette transformation est-elle nécessaire ?
1. Des coûts d’acquisitions en hausse
Tout d’abord, rappelons qu’il ne faut pas réduire la notion de durabilité à l’environnement.
La durabilité se décline en trois dimensions interdépendantes : l’environnement, la société et l’économie.
Intéressons-nous d’abord au volet « économie ».
En 2023, la valeur du marché de la publicité digitale pour la France s'élevait à environ 9,3 milliards d'euros (source : Statista). Un montant qui augmente d’année en année.
Si vous êtes une petite ou moyenne entreprise, les coûts d’acquisition sont devenus un potentiel frein à la croissance.
Il y a bien sûr des disparités selon les secteurs et le type de plateformes utilisés. Mais globalement, le constat est le même…
Ce qui amène les growth marketers à rechercher des solutions pour limiter ces coûts.
2. Un impact important sur la planète
Une stratégie d’acquisition omnicanale peut intégrer à la fois des canaux online et offline (salons, affichage…).
Pour le cas des leviers offline, l’impact sur l’environnement est souvent visible à l’usage.
Si l’on prend l’exemple d’une distribution de flyers devant une bouche de métro, les conséquences sont bien apparentes. Une partie de ces flyers finissant à la poubelle juste à côté !
Pour ce qui est d’une campagne sur META ads par exemple, c’est plus pernicieux, car on ne perçoit pas directement la pollution générée.
Pourtant, les effets sont bien réels sur l’environnement. Selon une étude menée par Scope3 en 2023, la publicité digitale génère 215 000 tonnes d'émissions de CO2 chaque mois ! Et ce chiffre ne concerne que cinq pays : États-Unis, France, Allemagne, Australie et Grande-Bretagne.
Concrètement, cela est le résultat, entre autres, du fonctionnement des data-centers. Ces centres de données nécessitent beaucoup d’énergie pour les maintenir et les entretenir, notamment en électricité.
Pour répondre à cette question. Nous allons rechercher des solutions pour rationaliser les pratiques en acquisition. Et en conséquence, leur impact en ressources.
Que ce soit clair, l’objectif n’est pas de brider la croissance !
Mais simplement, de conjuguer les pratiques d'acquisition au respect de l’éthique et de la planète. C’est l’essence de l’approche S-AARRR.
Voici quelques solutions concrètes pour créer de l’acquisition plus durable :
1. Identifier LE canal de "traction"
Une manière simple de limiter les coûts d’acquisition est de se concentrer sur un seul canal.
C’est ce qu’a formalisé Gabriel Weinberg dans son ouvrage « Traction ».
Le modèle de croissance est ainsi identifié. On se concentre sur un outil qu’on va de mieux en mieux maitriser avec le temps.
Ce canal peut aussi être pertinent pendant une phase de développement de la croissance. Vous pourrez ensuite rechercher un autre canal plus adéquat pour vos nouveaux besoins.
2. Investir dans les techniques CRO (Conversion Rate Optimization)
Les growth marketers le savent bien. L’acquisition peut devenir une vraie « passoire » lorsque l’on se concentre uniquement sur le haut du funnel.
Autrement dit, on peut dépenser des milliers d’euros dans une stratégie d’acquisition sans que cela génère des résultats.
C’est là que les outils et techniques du CRO interviennent pour augmenter l’efficacité des campagnes.
Taux de conversion plus élevé = Moins de dépenses d’acquisition.
Cela ne veut pas dire pour autant que c’est « facile ». C’est un travail d’optimisation en continu qu’il faut intégrer aux workflows des campagnes.
Nous n’allons pas développer ici ces stratégies de CRO.
Mais sachez que l’AB testing, la segmentation avancée des bases de données ou l’optimisation de la vitesse de chargement font partie du panel de techniques possible.
Et cette pratique créée un cercle vertueux en diminuant aussi l'impact carbone de l'acquisition.
3. Avoir une vision « Product Led Growth »
Dans l’esprit même du growth marketing, l’idéal est que l’acquisition se fasse par un bouche-à-oreille naturel ou « stimulé ».
L’approche du "Product Led Growth" implique que c’est l’usage du produit qui crée sa propre acquisition. Le produit devient le socle du système d’acquisition.
Cela fonctionne particulièrement sur des business de type SaaS (Slack, DropBox…).
D’ailleurs, cette appellation tire son origine de Blake Bartlett. L’investisseur américain mise sur Optimizely, une plateforme SaaS spécialisée dans les tests A/B.
Optimizely a séduit beaucoup de clients grâce à son interface intuitive et sa facilité d’utilisation.
Vous l’aurez compris, un produit fournissant une expérience utilisateur de qualité génère de la recommandation.
Nous pouvons ensuite aller plus loin en créant des boucles de viralité et augmenter l’impact.
Néanmoins, cette stratégie n’est pas forcément applicable dans tous les types de business.
4. Réduire l’empreinte carbone des outils et campagnes d’acquisition
Il est possible aujourd'hui d’évaluer l’impact de l’acquisition sur l’environnement avec plus ou moins de précision.
Voici quelques exemples d’outils et de référentiels permettant de calculer l’empreinte carbone et de mettre en place les bonnes pratiques d'écoconception :
- Eco-index : Savez-vous que le poids d’une page web a été multiplié par 155 entre 1995 et 2022 ? De plus en plus de technologies et de codes sont intégrés dans les sites web. Cet outil en ligne (et gratuit) vous permet d’évaluer l’impact environnemental d’une page web.
- Green Algorithms : C’est un calculateur open source plus technique. Il permet d’évaluer l’empreinte carbone selon plusieurs critères comme le type de processeur ou la zone géographique.
-Carbon Control : WebPageTest.org est un outil de référence en matière demesure de la web performance. Depuis peu, la plateforme propose un service complémentaire pour la mesure de l'empreinte carbone des sites web.
-GreenWeb : L'hérbergement de données est également l'un des facteurs de la pollution numérique.
Une initiative responsable est de choisir un hébergeur "vert" (ou du moins, limitant ses émissions carbone).
L'annuaire de la fondation Green Web permet de trouver des prestataires d'hébergement responsables.
-Référentiel général d'écoconception de services numériques (RGESN) : Mis en place en France suite à la loi "Réduction de l’empreinte environnementale du numérique" (REEN), ce référentiel est l'un des plus complets existants.
- Le Référentiel de mesure carbone de la diffusion des campagnes digitales : lancé par le SRI et Alliance Digitale, il offre une méthodologie précise. Il est plutôt orienté pour les régies, même s’il est exploitable par les autres acteurs de la publicité en ligne.
- Le Kit de l'AACC : l'Association des Agences-Conseils en Communication (AACC) propose un outil pratique sous forme d'un calculateur carbone ainsi qu'une méthodologie à suivre.
Le kit permet de mesurer l'empreinte carbone associée à l'activité de l'entreprise, aux prestations réalisées pour les clients et aux opérations de diffusion de contenus.
Même s'il a été conçu à destination des agences de communication, la partie dédiée à l'activité de l'entreprise peut être utilisée par toute société, car ayant un périmètre commun de critères.
- Les bonnes pratiques « Green IT de Opquast : On élargit ici le spectre avec des règles plus génériques pour l’écoresponsabilité des professionnels du Web.
-Référentiel d'écoconception web : mis en place par le collectif GreenIT, il liste un ensemble de mesures pour une utilisation responsable des outils numériques.
5. Co-créer une stratégie d'acquisition
Dans le cas d’une activité BtoC en particulier, il apparait très judicieux de rechercher des partenaires stratégiques qui ciblent déjà l’audience voulue.
Au-delà des avantages des business modèles axés sur cette approche comme le BtoBtoC des marketplaces, l’objectif ici est de mettre le focus sur l’intérêt en termes d’économies réalisées sur l’acquisition.
Il y a néanmoins quelques préalables à valider avant de se lancer :
En ce sens, l’objectif est de réaliser des opérations d’acquisition en commun afin de limiter l’impact économique et environnemental.
Un exemple concret est la co-registration. Cela désigne la mutualisation de la collecte de données via le canal email.
C'est un levier pertinent à tester dans le respect du règlement RGPD avec en prime un coût plus faible que d'autres outils.
Passons maintenant à la pratique avec le choix effectif des canaux pour votre stratégie de growth.
Nous allons nous appuyer en partie sur le Framework Bullseye développé par Gabriel Weinberg dans son ouvrage cité plus haut.
En intégrant dans la priorisation le prisme de la durabilité.
Voici les étapes à suivre :
Etape 1 : Brainstormer :
Réfléchir à tous les canaux d’acquisition potentiellement pertinents pour vous. Faites participer vos collaborateurs à ce travail.
A ce stade, toutes les idées sont les bienvenues. Même si des activités BtoC ou BtoB nécessiteront des leviers différents.
Voici une liste des outils possibles (loin d’être exhaustive) :
- Le content marketing
- Le Search Engine Marketing (SEA)
- Le Search Engine Optimization (SEO)
- Le social media advertising
- L’email marketing
- Le cold emailing
- Les salons professionnels et autres évènements offline
- L’engineering marketing
- Les relations presse
- Les programmes d’affiliation
- L’influence marketing
- La publicité sur le lieu de vente
- La publicité sur les journaux et magazines papier
- Etc.
Etape 2 : Prioriser
C’est là que notre démarche va devoir intégrer la durabilité dans le choix des priorités.
Pour cela, nous utiliserons le modèle de scoring SEPA (Sustainability, Ethic, Potential, Availability).
Il faut scorer chaque levier d’acquisition de 1 à 5 (ou de 1 à 10) pour isoler les 3 canaux avec les scores les plus élevés.
Par exemple, des leviers tels que le SEO (référencement naturel) ou l'email marketing peuvent être considérés comme plus durables du fait de leur impact à long terme et de leur faible émission carbone.
Etape 3 : Tester et Evaluer
Testez à petite échelle chacun des 3 outils sélectionnés.
La performance éocnomique du levier est évidemment à considérer.
La mesure du Coût d’Acquisition Client (CAC) à court terme et du Customer LifeTime Value (CLTV) à moyen/long terme permettra de comprendre l'impact éconmomique et ROI'ste de votre stratégie.
Mais la performance en durabilité doit être un enjeu également. Les quelques outils vus plus haut vous permettent d'évaluer, même approximativement, cet aspect via des indicateurs.
Il est évident que d'autres méthodologies et outils plus précis seront proposés à l'avenir avec l'apport des IA. La Responsabilité Sociétle des Entreprises (RSE) étant devenue un enjeu majeur dans le cadre des 17 Objectifs du Développement Durable (ODD) de l'ONU.
Etape 4 : Mettre le focus sur ce canal
Concentrez-vous à 100% sur ce levier pour rester sur l’idée du canal de « Traction » vu précédemment.
Loin du greenwashing ou d’un "positionnement marketing", faire de l'acquisition durable est devenue une nécessité pour les entreprises de toutes tailles.
Le premier pas est déjà de prendre conscience de l’impact des actions d’acquisition. Notamment celles qu'on ne voit pas directement comme la pollution induite par le stockage et le tracking des données.
Le second pas est sûrement plus complexe à appréhender lorsque les enjeux économiques sont la priorité. Il s’agit de prendre des mesures concrètes pour agir dans le sens d’un marketing plus durable sans sacrifier les performances. Les deux n’étant pas antagonistes.
Bien au contraire, l’image de marque en est renforcée, influant ainsi positivement la rentabilité.